define('WP_CRON_LOCK_TIMEOUT', 300); Plaidoyer pour une pédagogie alternative | Ecole expérimentale

Ecrit le 26 Janvier 2009 par GG

Plaidoyer pour une pédagogie alternative

dans l’Education Nationale

Un projet de pédagogie alternative existe pour être mis en application au collège et au lycée. Il s’appuie sur les deux principes fondamentaux suivants :

Conduire l’élève aux programmes et aux diplômes établis par le ministère de l’Education Nationale avec les mêmes moyens financiers et humains.

Mettre en place un enseignement fondé sur des projets de recherche individuelle en développant l’autonomie des élèves pour circuler dans ces programmes.

Il a commencé son élaboration suite à un appel pour une école plus humaine, lancé par Marie-Danielle Pierrelée, aujourd’hui directrice d’un collège près du Mans, et dans le cadre d’une commission nationale, présidée par Jack Lang alors Ministre de l’Education, en ayant pour but de coordonner une vingtaine de projets de ce type à l’échelle nationale…

Ce projet a pour raison d’être un ensemble d’observations faites sur les réalités du système actuel de l’enseignement, basé sur le cours magistral, c’est-à-dire sur la situation, que chacun connaît, de l’enseignant s’adressant à son groupe.

L’enseignant s’adresse tout autant aux élèves en réussite qu’aux élèves en difficulté dans la mesure où il s’agit aussi de reprendre en charge des objectifs généraux propres à une école de la démocratie.

Cette vocation prenant corps sur la perspective d’enseignement général, pour le collège notamment, la réussite de chacun, pour ne plus dire de tous, en vue d’une possibilité de choix la plus large possible avant de s’orienter vers des spécialités, reste bien entendu le repère fondamental.

L’actualité de la classe assise

L’école fonctionnant sur le principe de la classe assise. C’est une réalité qui existe depuis plus de cent ans… Pourtant les évolutions sociales, dont celles qui ont suivi les années 60, ont donné aux nouvelles générations d’élèves un tout autre visage depuis.

Le mode patriarcal, sur lequel fonctionnait auparavant la société sur la plus large échelle explique probablement l’accommodation morale des enfants de cette époque à ce principe. Mais il semblerait, depuis, que ce ne soit plus la même logique qui stabilise les rapports collectifs entre adultes et enfants, et surtout entre adultes et adolescents. Aujourd’hui, chaque enfant demande à être regardé en tant que personne unique plutôt qu’en tant qu’unité de la collectivité.

La situation de la classe assise, qui est le cadre physique principal de l’école unique par souci d’égalité républicaine, ne paraît plus aussi véritablement assurer le développement de ce premier objectif. De fait, l’adhésion à cette figure collective n’est plus aussi fluide qu’avant. Une telle organisation du groupe, précisément parce qu’elle est permanente, est aussi perçue comme une contre dynamique à l’investissement des élèves, et prend progressivement le profil d’un anachronisme.

En opposition avec cette époque où s’affichaient en excès des perspectives de facilités et de libertés, la classe assise se retrouve vite référencée au contexte d’un passé trop moraliste. Les enfants agités continuent d’y perturber les cours, et les timides continuent d’y souffrir.

Contexte de la diversité culturelle

Depuis ces quelques décennies, c’est aussi le phénomène de l’humanité qui a considérablement évolué. La notion de citoyen du monde, inspirée par un désir de paix planétaire, a enfin émergé de cette inéluctable rencontre des peuples. La population scolaire étant composée de diversités, inégales selon les secteurs, les élèves y font figure aujourd’hui de représentants involontaires des différentes civilisations du monde. Et tous tentent de partager, selon la variété de leur configuration en classe, cet espace de l’éducation.

Cette diversité des populations amenées à vivre ensemble l’école occasionne entre autres des comportements de refuge à l’intérieur de groupes dont la classe n’est plus toujours la plus forte personnalité. Et avec le bouillonnement continu d’informations diffuses à la portée de tous, la classe ne représente plus aussi bien ce même haut lieu de savoir. La hiérarchie des valeurs de telle ou telle connaissance n’est plus du tout la même pour tous. Les équipements de communication et de loisirs donnent aux jeunes des perspectives dont on ne mesure peut être pas bien la portée. Le progrès technologique, aussi par sa propension à offrir de façon instantanée les services et les biens, accélère incroyablement ce bouleversement qui reste insuffisamment assumé par notre système d’enseignement général.

Au-delà de la variété des influences ethniques et religieuses, les différences d’origines sociales se croisent avec une multiplicité de sources et de tendances culturelles dont les possibilités de représentation se jouent de manière très inégale. Face à cette nouvelle disparité des dispositions intellectuelles, l’enjeu de l’enseignant ne concerne plus seulement la transmission des savoirs, mais aussi celui de la gestion de ces diversités, ce qui revient en fait à un autre apprentissage collectif qui est pourtant bien la problématique de toute une société.

La question de la culture se pose aujourd’hui au moins comme un jeu de forces en confrontation : entre la réalité des espaces de divertissement, la réalité des filières qualifiées d’élitistes, et la réalité des personnes dont l’histoire, et les histoires, légitiment pourtant la liberté de leur positionnement.

Les objectifs pour aujourd’hui

Peut-on parler d’un décalage qui s’est marqué entre l’actualité sociale et culturelle avec celle du monde scolaire? Du point de vue de la diversité culturelle grandissante, il semblerait que oui. Du point de vue de l’objectif d’école républicaine unique et égalitaire, il faut considérer que non, mais… Le fait est qu’il se pose une question d’ordre pédagogique pour faire le lien entre cette actualité générationnelle et l’objectif d’école citoyenne et égalitaire.

L’usage de l’autorité pour établir ce lien est à double tranchant dont aucun n’est particulièrement pédagogique. Si l’autorité a sa place dans le contexte éducatif, l’omniprésence de son application n’est pas non plus la vocation de l’enseignement. De fait, l’autoritarisme n’est pas le régime de référence en France.

Donner une place et un rôle à cette diversité offrirait par contre l’avantage de positionner l’élève en acteur sur la question de son éducation, ce qui, par l’intermédiaire d’une revalorisation de la personne de l’élève, favoriserait la crédibilité de notre système d’enseignement.

Les principes d’autonomie dans le travail, et de responsabilisation citoyenne dans le collège, concrètement présentées aux jeunes jusqu’ici comme les conditions préalables au bon déroulement de l’enseignement collectif, peuvent servir de supports et d’objectifs pour les apprentissages individuels.

Les champs de connaissances et de motivations, véhiculés par cette ère de l’information et de la communication, sont autant de supports et de moteurs potentiels pour l’implication de ces jeunes dans les théories et pratiques scolaires. L’enseignement différencié est aussi un contexte plus favorable à l’application des initiatives prises par les réseaux d’aide scolaire dans le cadre des aides individualisées et approfondies.

L’objectif de la conscience sociale, c’est-à-dire de l’autre et de sa différence plutôt que de son rang, est un élément clé de cet apprentissage du vivre ensemble. L’objectif de l’apprentissage de la démocratie peut devenir l’outil qui structure la pédagogie elle-même. Car c’est la manière d’appliquer une valeur qui détermine son intégration…

Epanouissement et socialisation

Le savoir, qui est la matière première de l’enseignement, se compose des programmes établis par l’Education Nationale, avec également des indications repères sur les savoirs faire et savoirs être. Dans leur ensemble, deux directions principales constituent l’éducation :

- La socialisation de l’enfant, qui se joue sur ses acquisitions : d’une aisance à la communication ; de bonnes dispositions pour se repérer et circuler librement dans les divers tissus de la société ; d’une définition et de la construction de sa place dans cette société ; et de son positionnement dans les différents contextes sociaux et citoyens, si possible en commençant par celui de l’école.

- L’épanouissement de l’enfant, qui est son appui essentiel pour sa socialisation, et qui concerne : d’abord, bien entendu la connaissance ; mais aussi la compréhension de la personne, en commençant par la sienne, avec ses préférences et ses faiblesses, pour développer sa capacité à prendre en main son histoire, et pour qu’elle devienne un appui libre pour ses apprentissages.

Aujourd’hui, par l’enseignement collectif d’un programme, très conséquent sur l’emploi du temps des jeunes, il semblerait qu’il y ait un déséquilibre en faveur de l’optique de socialisation telle quelle est appliquée depuis le début du siècle passé, c’est à dire dans l’obéissance et une forte dose d’abnégation ; ce qui, dans la classe, prend communément la forme d’une urgence à gérer.

L’actualité de la jungle de la communication et du divertissement articule une histoire des individus dans laquelle le droit à la reconnaissance augmente et se percute à cet enseignement collectif. La question des modèles qui s’impose à travers le culte des images, des signes d’appartenance et des capacités représentatives spécifiques à ces signes, met à distance le modèle attendu de l’élève assidu et attentif.

Si, aujourd’hui, le sujet de la socialisation est en effet une question en chantier, il serait peut être urgent de faire sur le terrain de l’école des liens d’exploration et de construction entre cette actualité générationnelle et les objectifs théoriques d’un épanouissement humain des individus.

Notion de projet individuel

Pour reprendre le fait de la diversité, il s’agit ici de redonner à chacun l’opportunité d’une véritable reconnaissance de sa place particulière. Plutôt que de positionner chaque personne comme exécutante permanente dans le rôle de l’élève qui reçoit l’enseignement, il s’agit de lui donner une place d’acteur principal qui va chercher la connaissance, en valorisant et en s’appuyant sur ses sensibilités et ses motivations, à travers un choix qui lui est laissé pour ce cheminement dans la connaissance.

A l’intérieur du contexte global de l’actualité collective qui dispose, comme deux forces antagonistes, l’ordre scolaire et social face à un monde de liberté et de jouissance, il s’agit, afin de sortir de cette dynamique trop binaire, de rechercher un équilibre à cette relation au collectif par d’autres appuis dont, notamment, la réorganisation du travail scolaire sur le sens social des personnes.

Ici la recherche individuelle des élèves, dont les résultats seront ensuite échangés grâce à l’exposé, aurait cette vocation multiple de valoriser le potentiel de chacun, le sens de la différence et de la découverte de l’autre et le système scolaire et social dans son ensemble.

Il s’agirait ainsi pour les élèves d’établir des liens d’expérimentation entre leur actualité ou leur histoire et celles de la connaissance. En devenant des apprentis chercheurs, les élèves évolueraient ainsi avec une optique de socialisation de leur travail. Les outils technologiques et les habitudes de circulation deviendraient les principaux outils éducatifs dans cette démarche de recherche dont le but serait d’en développer la capacité de représentation.

Donner à l’élève une place d’auteur de son apprentissage, c’est lui accorder une confiance essentielle à sa capacité de se construire, de s’épanouir, et de se responsabiliser à l’intérieur du système scolaire et social.

L’Enjeu de la démocratie

La responsabilité de chacun devant son histoire et devant la différence de l’autre peut se jouer à la morale et à l’autorité lorsque cela est nécessaire. Mais, durablement, cela reste une façon de ne pas apprendre à y être autonome, tout en instituant une rigidité de système. Le fait, dans l’enseignement, de prendre appui sur une prise en charge, par les personnes, de leur histoire, et sur une valorisation de la découverte de l’autre, c’est faire le choix d’une orientation directe sur cet apprentissage du vivre ensemble.

Pour éviter le recours à des logiques de cloisonnement individuel ou groupusculaires, il est temps de considérer la différence entre les personnes comme une richesse capable de constituer des complémentarités.

Cette manière d’envisager le groupe, où il n’est plus question de passivité assise, devient alors une base sur laquelle il s’agit enfin d’apprendre à choisir ensemble. En dehors du fait d’être le lieu d’apprentissage de la connaissance, l’école est aussi une occasion unique, à cette échelle sociale, de fournir un terrain d’apprentissage des principes fondamentaux de la démocratie : prises d’informations, droit d’expression, de positionnement et d’initiative, dans le respect des règles légales des libertés, des propriétés, et des intégrités privées et publiques.

La vie scolaire pour une part matérielle, le rôle et les relations entre les élèves eux-mêmes, et avec les pédagogues, sont le lieu possible de cet apprentissage des fonctionnements démocratiques. L’apprentissage de la responsabilisation citoyenne des jeunes ne s’apprend pas comme une simple consigne morale, mais par l’expérimentation, basée sur un minimum de confiance et de délégation à l’intérieur du contexte où ils évoluent.

Et cette base ne gagnera pas de stabilité tant que ne sera pas reconnue la légitimité de chacun, à travers le fait d’être perçu et impliqué comme une personne capable et différente, et tant qu’il s’agira dans l’enseignement d’organiser la collectivité sur le principe dominant de l’élève-modèle unique.

Gilles Guyon

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