define('WP_CRON_LOCK_TIMEOUT', 300); Avis personnels sur la pédagogie | Ecole expérimentale

Ecrit le 18 Avril 2009 par Claude-Paul Padroni

Auteur : Claude-Paul Padroni, Inspecteur de l’Education Nationale

Tout le monde sait que pour le vrai pédagogue, le problème n’est pas l’élève qui réussit mais celui qui se trouve en difficulté. Tout le monde sait aussi que personne ne sait faire face à des problèmes de non compréhension, de non apprentissage volontaire ou non, de mise à l’écart d’un groupe. Enfin, tout le monde sait que l’évaluation non critériée est de nature à créer des fossés entre les élèves d’une même classe. La docimologie est une science très loin d’être exacte. Il s’agit là d’un avis personnel, comme d’ailleurs tout le contenu du présent article.  

L’élève qui sait ne m’intéresse pas. S’il sait se documenter,  s’organiser, apprendre, réinvestir, alors, il n’a pas besoin de moi. Une classe constituée par de tels individus (et ils existent) pourrait se vanter d’obtenir 100 % de succès au baccalauréat. Son équipe pédagogique serait-elle pour autant constituée de bons pédagogues… j’en doute ! Et pourtant… Que d’évaluations d’établissements sont basées sur les résultats aux examens…  

Je m’intéresse donc à celui qui ne sait pas. En plus, je ne sais pas ce qu’il ne sait pas. Le remède à mettre en place dépend pourtant du diagnostic. Son problème est-il lié à la non maîtrise de la lecture, du vocabulaire, de l’écriture, à la compréhension, à l’expression, à des méthodes particulières à mettre en œuvre (des modes opératoires ou des processus non acquis) ? Il me semble évident que selon les réponses, je ne pourrais pas mettre en place des remèdes identiques… La panacée en matière éducative n’existe pas. 

Avant d’aller plus loin il faut donc tenter de motiver l’élève pour son apprentissage. S’il ne voit pas à quoi ça sert, alors il va se désintéresser. Le « mauvais » élève est souvent celui qui se moque des normes. Il ne voit pas à quoi elles servent. Je suis persuadé qu’une étude sur ce public prouverait une majorité de surdoués… En bref, nos élèves s’ennuient à l’école… Ils vont passer de cycle en cycle, sans redoubler… Subitement on va s’apercevoir que le niveau requis pour entrer dans une seconde n’est pas atteint. On va proposer l’enseignement professionnel. Les parents préfèreraient laisser leur progéniture en enseignement général, jusqu’au bac. Après tout, s’il ratait cet examen, il pourrait revenir en un an faire un bac pro en lycée professionnel… Voici le contexte d’intervention du Professeur de Lycée Professionnel. Il va récupérer les élèves dont le système éducatif traditionnel ne veut plus…   

Le gros problème est que personne ne sait comment faire. Mieux, les ministres successifs mettent en place des réformes que leurs successeurs contestent. Chacun y va de sa petite rénovation qui lui permettra de laisser son nom à la postérité. Mais que peut-on réellement faire lorsque l’on est dans la classe, face à des jeunes démotivés ? Il y a plusieurs réponses :  

1- Suivre le programme et faire en sorte que les bons puissent accéder à leur examen de fin de cycle sans aucun problème. Les « mauvais » vont s’ennuyer d’abord, perturber ensuite.

2- Mettre en place une pédagogie qui ne prenne en compte que les élèves en difficulté et laisser les « bons » s’ennuyer d’abord, perturber ensuite. 

3- Raisonner en fonction de chacun, par une pédagogie plus riche, plus individuelle aussi.  

Il me semble évident que les deux premières solutions ne constituent pas une voie à suivre… et pourtant… Je vais donc tenter d’analyser la troisième en sachant qu’elle ne peut pas, non plus, constituer la réponse à toutes les questions. Il n’existe pas une solution pédagogique unique. Elle serait connue si c’était le cas. 

Ma problématique est donc : « comment enrichir une pédagogie et prendre en compte tous les individus qui composent le groupe classe ». 

 

Mon premier objectif va consister à recenser et à fournir un début d’explication à divers termes liés à la pédagogie et utilisés à tort et à travers par tous.  

Dans un second temps, je vais tenter d’exposer une démarche…. Je vais faire une proposition d’essai qui pourrait, éventuellement, fonctionner… mais qu’il n’est pas question de généraliser. 

 

I - Entendons-nous sur les termes 

Il n’est pas question ici que tous les français parlent la même langue mais seulement que tous ceux qui se disent pédagogues mettent les mêmes significations sur les mêmes termes… Un exemple : on a rejeté, en concours, une candidate qui était partie d’un exemple traité totalement pour en faire tirer les mécanismes mis en œuvre, les savoirs et le savoir-faire. J’appelle ça une démarche technologique, donc inductive. Le jury lui a reproché une démarche déductive. Je ne peux pas admettre une telle remarque… C’est d’ailleurs cet incident qui justifie le présent article.   

A- La pédagogie déductive    

Elle est basée sur le passage du savoir. Le maître commence par édicter ce savoir qui sera ensuite appris et mis en application. On travaille donc la mémoire d’une part, le fait de redonner, en bon magnétophone, ce que le prof a donné comme une vérité. Beaucoup de livres sont ainsi conçus : on fournit la règle et ensuite on l’applique.  

Cette pédagogie me semble adaptée (peut-elle l’être d’ailleurs) à un grand groupe… En université il semble difficile de faire autrement lorsque l’enseignant se trouve face à cent ou cent cinquante étudiants. C’est un enseignement doctrinal, magistral. Nous avons tous connu ce type de cours. La relation entre les individus est inexistante. Il n’y a qu’une relation prof/groupe dont l’évaluation ne pourra se faire qu’au devoir suivant… Cette évaluation consistera en la vérification de l’atteinte d’un résultat. Il ne s’agira pas de vérifier la mise en application d’une méthode, de rechercher où le bât blesse, de tenter d’aider l’apprenant…   

La démarche déductive est celle qui existe dans de nombreux manuels scolaires commercialisés. Elle peut aussi exister dans des cours oraux. Souvent d’ailleurs, le prof qui enseigne ainsi est réellement prisonnier d’une démarche d’auteur(s) d’un livre qui a été acheté dans l’établissement. On suit le livre pas à pas. Ainsi, l’élève est rassuré, la famille est rassurée, le prof est rassuré… La route est tracée… Comment se libérer de la démarche d’un auteur tout en utilisant son livre ? C’est un autre sujet… quoi que ! 

B- La pédagogie de contrat   

Juridiquement un contrat commercial est un accord de deux volontés sur une chose et sur un prix (pour le contrat de vente, de location, de transport…). Ici, la chose est le savoir à faire passer pour l’un, à acquérir pour l’autre. Le prix… ce pourrait être le salaire versé au prof… Si le contrat n’est pas atteint, le salaire n’est pas versé… ce n’est pas le cas. Est-ce un contrat ? Y a-t-il accord entre la volonté du prof et celle de chaque élève ? Les puristes me diront qu’il existe des contrats d’adhésion et même des contrats unilatéraux (du type donation par exemple). Donc, si nous sommes dans un tel contrat, l’élève n’a qu’une seule chose à faire : adhérer à la pensée du prof.   

Le contrat pédagogique est basé sur le fait de chercher à faire adhérer le formé à un objectif… Et là on peut se demander ce qu’est un OBJECTIF PEDAGOGIQUE… A mon sens, un objectif pédagogique consiste à « rendre l’élève capable de » réaliser, faire, mettre en œuvre, citer (verbe évaluable à ne pas confondre avec savoir, connaître, identifier). En fait si je compare l’objectif et la compétence, c’est la même chose mais avec deux buts différents pour le prof :

- je dois, pendant mon cours, rendre mes élèves capables de… 

- je dois, pendant une évaluation, vérifier si mes élèves sont capables de… donc dominent la COMPETENCE…. La compétence peut aussi être auto évaluée : suis-je capable de… à condition de fournir les critères de cette évaluation.   

Donc, dans le contrat pédagogique, l’élève sait où le prof veut l’amener et sur quoi il sera évalué par la suite. Mais là je viens de définir la PEDAGOGIE PAR OBJECTIFS et non pas la pédagogie de contrat. En fait, le contrat va découler de cette démarche et se formaliser. Le jeune va recevoir, au moment de son évaluation, un document de type « contrat » indiquant ce que l’on cherche à vérifier, les critères qui permettront de valider cette compétence. Le respect de ce contrat donnera lieu à un report de l’évaluation, notée ou non, sur un relevé de notes ou, mieux, sur un LIVRET DE COMPETENCES… C’est un relevé pur et simple des compétences qui figurent dans le référentiel de formation, avec des colonnes permettant d’indiquer s’il y a ou non validation de ce savoir-faire précis. Le contrat est ici une démarche permanente, tout au long de l’année.  

Le contrat pédagogique peut être lié aux cours et travaux pratiques, dirigés, professionnels mais il peut aussi s’adapter à des situations de savoir être. Il est possible de conclure un contrat sur la tenue vestimentaire, sur le bavardage en classe, sur l’attitude générale, sur l’expression… Le contrat peut alors être un remède à une situation anormale… 

C- La pédagogie inductive   

Il faut ici préciser quelques notions… Selon le dictionnaire « Petit Larousse 2003 » :

- La PEDAGOGIE est une méthode d’enseignement. 

- L’ENSEIGNEMENT  est une action, une manière d’enseigner, de transmettre des connaissances.

- ENSEIGNER c’est faire acquérir la connaissance ou la pratique d’une science, d’un art. 

- INDUCTIF signifie « qui procède par induction ».

- INDUCTION se traduit par « généralisation d’une observation ou d’un raisonnement établis à partir de cas singuliers ».

- INDUIRE veut dire « établir par voie de conséquence, conclure…

- La METHODE est une manière de dire, de faire, d’enseigner une chose suivant certains principes et avec un certain ordre… 

- La MANIERE est une méthode particulière d’être ou de faire quelque chose. - Un CAS est une situation d’une personne ou d’une chose.  - Le mot « singulier » signifie : qui se distingue par quelque chose d’inusité, d’extraordinaire, bizarre, étrange. 

- SITUATION : c’est l’état caractéristique des personnages d’un récit… 

- DEMARCHE : manière de penser, de raisonner.

- METHODE EXPERIMENTALE : procédure qui consiste à observer les phénomènes, à en tirer les hypothèses et à vérifier les conséquences de ces hypothèses par une expérimentation scientifique.   

Ces données étant posées, je prétends donc que pour qu’une pédagogie inductive existe, il faut et il suffit qu’il y ait :   

  • un cas singulier fourni
  • une observation, un raisonnement
  • une généralisation, une synthèse.

Existe-t-il une pédagogie inductive et une seule ?  

 

II - Proposition d’essai de démarche… 

La pédagogie inductive semble de nature à motiver l’élève mais à condition de s’entendre sur ce que peut être cette méthode.

A mon sens, il existe trois méthodologies différentes qui constituent la pédagogie inductive et que je vais tenter d’étudier plus en détail. 

- La démarche basée sur la devinette, 

- La démarche basée sur l’erreur,

- La démarche basée sur l’exemple.  

Je vais tenter de développer chacune de ces méthodes à partir d’exemples que je souhaite parlants.  

A - La pédagogie inductive par devinette   

Le professeur arrive en classe et annonce le thème du jour. Il s’adresse au groupe et, oralement, pose une série de questions sur ce qui est censé être connu en fin de cours. Par exemple on pourrait envisager une leçon de droit dont le thème serait « le Parlement ». La première question posée pourrait alors être « qu’est-ce que le Parlement ? ». On pourrait même envisager, en cas de non réponse une remarque du genre : « comment, vous ne savez pas ça ! Mais vous êtes nuls ». A mon sens, si les élèves savent répondre à cette question, il n’est pas nécessaire de faire un cours.    

On pourrait envisager une méthode aussi directive mais moins directe, par une série de questions faisant appel à des volontaires surtout et permettant, petit à petit de prendre conscience du thème traité.   

La pédagogique inductive par devinette, oralement, ne laisse pas de traces écrites. Le prof peut demander une reformulation en fin d’heure mais la méthode même de recherche est perdue pour l’élève. Le deuxième point noir est la participation de seuls volontaires. Celui qui m’intéresse étant celui qui ne dit rien… je ne suis pas très à l’aise pour valider un tel procédé.    

Il serait peut-être possible de réaliser la même chose par écrit… Pourquoi pas ? Nous aurions une série de questions faisant appel au bon sens, à la connaissance livresque antérieure, au savoir lié aux médias ou à l’environnement… Là encore, pourquoi perdre du temps à faire cours si tout est déjà connu avant d’entrer en classe ? On nous dit même que les programmes sont trop chargés et qu’il est difficile de boucler en fin d’année…  

Cette méthode présente un autre inconvénient : celui du risque évident de dérive. Plus il y a de bavardages durant un cours, plus on a des chances de parler d’autre chose à un moment donné et d’avoir du mal à revenir dans le sujet… Comme on ne peut pas laisser sans traitement une erreur commise par un élève, il y a de très fortes chances d’aboutir à un  « détournement de cours ».   

La mise au tableau de mots clés dégagés durant le débat serait de nature à faciliter une synthèse… Un élève « secrétaire » volontaire pourrait se charger de cette mission.  

B - La pédagogie inductive par l’erreur   

Le système consiste à fournir un travail déjà réalisé mais dans lequel il existerait une ou plusieurs erreurs. L’objectif consisterait d’une part à repérer les anomalies et d’autre part à proposer des solutions pour y remédier.   

Nous sommes ici dans une méthode expérimentale : on constate que ce qui a été fait ne fonctionne pas. On se pose des questions relatives au pourquoi. On tente de remédier. On pourrait même vérifier en mettant en application.  

L’idée est séduisante. Il est évident que nous sommes dans une méthode inductive puisque l’on part d’un cas concret posant problème et que, par analyses successives, on arrive à dégager un savoir et/ou un savoir-faire à titre de synthèse.  

Sur un plan pratique, ce travail pourrait être mené soit individuellement soit par des équipes de deux à trois personnes. Il pourrait être soit oral, soit écrit. J’ai quand même une préférence pour l’écrit qui laisse des traces, y compris pour retrouver un cheminement mental lorsque l’élève est à son domicile et qu’il a, par hasard, envie de revoir son cours.  

La grosse critique que l’on peut faire à une telle méthode est que l’on risque d’enseigner l’erreur. Si, dans l’image mentale que le formé va garder, l’erreur prédomine, elle risque de devenir, pour lui, la règle. Sous cette réserve, à condition qu’il y ait un contrôle stricte des acquis du cours, il est possible d’utiliser la pédagogie inductive par l’erreur, de temps en temps, en alternance avec d’autres techniques.   

C - La pédagogie inductive par l’exemple  

C’est la bonne vieille démarche d’analyse technologique. On a, devant soi, un mécanisme qui fonctionne bien. On se pose des questions sur chacune des pièces : sa structure, sa place, son identité possible, son rôle. On se pose ensuite les mêmes questions sur l’ensemble du mécanisme. On synthétise par deux documents :  

- le mode opératoire : « comment ça marche ? »,

- la fiche technique « à quoi ça sert ? » (c’est quoi ?).  

Si cette synthèse émane des élèves, après une recherche, alors on a gagné…  

Oui, mais c’est bien pour un objet technique mais pas pour une démarche… un savoir-faire ou un savoir être diront certains. C’est faux. Si, par exemple, on cherche à acquérir un savoir en communication orale ou écrite, on pourrait partir d’une situation détaillée, sur papier, et en faire l’analyse grâce à une série de questions (écrites bien entendu) auxquelles on répondra soit individuellement, soit par deux/trois. La mise en commun permettra de faire le point en trois étapes :   

- la présentation d’une solution par le correcteur désigné,

- le débat visant à compléter, modifier, valider cette proposition,

- la prise de notes individuelles par tous.   

Dans le secteur commercial, cette technique pourrait aussi s’appliquer à tous les documents commerciaux, à toutes les écritures comptables. 

La synthèse consisterait alors à généraliser ce qui a été observé, à le rendre transférable à d’autres cas.   

Il me semble évident que je crois à cette démarche. Je rappelle qu’elle n’est pas la seule. Mais par contre, si quelqu’un me disait qu’elle n’est pas inductive alors je le renverrais très volontiers revoir un certain nombre de théories. Je ne donne aucun savoir, ici. Je fournis une démarche qui a été mise en œuvre et je tente de la comprendre en vue de me l’approprier et de la transférer… Je suis totalement dans l’inductivité.  

 

En guise de conclusion   

Le passage du savoir et du savoir faire est une relation particulière entre un maître et sa classe. Elle est fondée sur l’admiration, le respect, la confiance. Il n’est pas question de dire qu’une méthode est préférable à une autre. A un moment donné on préfèrera telle pratique pour des raisons précises que l’on pourra justifier. A un autre moment, sur le même thème, avec les mêmes élèves, on pourra choisir une autre pratique, totalement différente. L’objectif est d’intéresser un maximum de personnes et de n’en délaisser aucune. Le fait de partir du concret est un atour intéressant. On sait que ce que l’on apprend est utile.  

Sur le plan de l’évaluation, le fait d’annoncer ses objectifs et donc les compétences sur lesquelles le groupe sera évalué est de nature à aider chacun à progresser. L’analyse de l’erreur va permettre de cerner la remédiation à mettre en place de façon individuelle. Le livret de compétences sera un outil intéressant de gestion des acquis individuels. Une compétence non dominée par un élève à l’issue de trois contrôles doit entraîner un remède de façon impérative, par exemple. On peut aussi visualiser que certaines compétences n’ont jamais été testées et mettre au point un devoir les concernant.  

 

Claude-Paul PADRONI  

Ajouter une contribution.

Apuyez sur CTRL et utilisez la molette de votre souris pour zoomer. Accès handicap