define('WP_CRON_LOCK_TIMEOUT', 300); Rythmes scolaires | Ecole expérimentale

Ecrit le 26 Janvier 2009 par admin

Questions sur les rythmes scolaires

1) Réponse à la question des rythmes et de la sollicitation

A la lecture partielle de nos textes, certains pourraient croire que nous demandons trop aux élèves à vouloir ainsi qu’ils deviennent créatifs dans toutes les disciplines. Cette croyance repose sur l’oubli ou la négligence de nombreux aspects majeurs de nos propositions : nous instaurons dans chaque discipline un dialogue personnel avec chaque élève et nous élaborons avec chacun d’eux, en concertation avec eux, leur projet de recherche personnel. S’il s’avère qu’un élève a besoin d’une recherche plus récréative ou d’un simple éclaircissement sur le programme, c’est à l’enseignant d’en juger et, dans sa séance, celui-ci reste libre dans ses choix.

Il ne devrait pas y avoir de fatigue excessive dans un travail choisi, aimé par l’élève. Au contraire, le goût du travail, de l’effort, de la réussite devrait se développer. Toutefois, le dialogue permanent entre l’élève et l’enseignant permet de déceler fatigue s’il y a, et même de la devancer. C’est à l’enseignant de guider l’élève en douceur vers la façon personnelle que celui-ci peut avoir d’appréhender les choses. Le respect de l’élève, et par conséquent de son rythme, de son temps est au cœur du projet. Le rapport développé entre chaque enseignant et chaque élève ne peut pas conduire à une attitude de consommation, mais au contraire à une réflexion personnelle.

Il nous semble que des rebellions ne peuvent provenir d’un travail choisi par l’élève, sur lequel il va à son rythme, mais de sujets imposés par les professeurs, distribués vers tous les élèves sans différentiation de leurs intérêts, exactement comme il est procédé dans les écoles traditionnelles, où il y a effectivement rébellion. Si l’enseignant sait encourager l’élève en l’aidant, en dialoguant, l’élève n’a pas de raison de se fatiguer, au contraire, sa curiosité naturelle peut enfin s’exercer à l’école.

Mais nous savons tout le danger des relations duales où des excès pourraient être commis dans un sens productiviste ou laxiste. C’est à ce niveau que la démocratie que nous proposons, très technique, joue son rôle.

La démocratie régule le rythme propre à l’élève en au moins trois occasions. Dans la séance d’entretien individuel, l’élève n’est pas seul, car au moins un de ses camarades de travail est là à titre d’auditeur et de médiateur. Dans la préparation des assemblées générales, le groupe de base – trois à quatre élèves – élabore des questions et des propositions. Il en est attendu des avis à ce sujet et nous ne voyons pas comment il pourrait en être autrement. Ces questions et ces propositions sont prises en compte par les élus de l’assemblée générale qui leur confèrent ainsi une publicité et donc le poids d’un assentiment possible plus collectif. Il y a enfin le Conseil des élèves, élu, qui s’exprime sur cette question au sein du Grand Conseil où il peut, en outre, solliciter l’aval du Conseil des parents. Simultanément, le professeur relais, qui suit un groupe de onze élèves dont il est plus directement responsable, a également son mot à dire ce, d’autant plus qu’il anime les conseils de classe pour ce groupe à une fréquence soutenue comparée à celle du système traditionnel.

Ce professeur relais fournit notamment un aperçu d’ensemble du travail de l’élève et c’est précisément l’occasion de voir où celui-ci est créatif et où il ne l’est pas et de le conduire à un meilleur équilibrage. Nous disons bien « équilibrage » et non pas « uniformité » c’est-à-dire que si un élève est créatif dans une spécialité à un point tel que cela lui permet d’aborder, quasiment de façon subreptice, les autres disciplines, il n’y a aucune raison de chercher à l’accabler dans ces autres disciplines. Dans ce cas, il sera bon de répondre tout simplement à sa demande ou à une demande potentielle, dans l’ordre de l’implicite, parce que se devine son besoin en telle ou telle compétence.

Théoriquement, chacun des professeurs conduit la même analyse que celle du professeur relais puisque l’élève montre son livre de compte rendu individuel à tous les enseignants, à chaque séance. Mais, là encore, l’intérêt du conseil de classe est d’offrir une coopération dans l’analyse et une médiation. Cette analyse est ensuite reprise et affinée au sein du Grand Conseil en présence des élèves et des parents. C’est pour cette raison que nous avons prévu que ces derniers puissent disposer d’un pouvoir de critique de la qualité de la relation pédagogique. Il faut que ce pouvoir soit prévu pour être précisément limité, sinon nous tomberions dans cette hypocrisie propre à l’école traditionnelle où le non-dit est manifeste derrière la façade réglementaire en attendant qu’il explose de façon incontrôlée. Cependant, nous n’avons jamais écrit qu’élèves et parents devaient disposer d’un pouvoir sur l’organisation de cette relation ou sur les méthodes, car ce serait de la démagogie et l’abdication de nos compétences d’enseignants ouvrant le danger de ressembler à une école privée.

Mais, non contents d’avoir prévu ces mécanismes internes pour réguler ces rythmes, nous avons également envisagé un mécanisme externe grâce à l’association qui a aussi pour fonction, dans ce domaine, de libérer une parole plus spontanée en dehors de l’établissement.

Dans tous les cas, il faut essayer de se souvenir que le but ne sera pas vraiment atteint s’il ne se crée pas une dynamique en faveur du savoir, si la tonalité générale de l’école n’est pas portée à la qualité de la représentation et au jeu de la recherche. C’est seulement en cette ambiance qu’un dépassement du rythme sera sereinement obtenu et que toute sollicitation n’apparaîtra pas excessive, si elle sait rester mesurée.

Ce qui nous consternerait serait de voir se construire un contexte démocratique - en dehors de la classe -, tout en prorogeant les cours dans leur forme traditionnelle. Ce serait un leurre d’une extrême gravité car un groupe d’élèves, ne serait-ce que de vingt ou vingt-cinq ne peut se gérer de façon démocratique s’il est parqué pour recevoir passivement la parole professorale. Ce groupe sera naturellement porté au désordre et il y vivra dans un brouillage de l’information qui nuira, plus que jamais, aux plus défavorisés. Depuis plusieurs décennies, le système éducatif s’évertue à résoudre cette quadrature en substituant à l’autorité des techniques d’animation plus ou moins habiles et en proposant une didactique destinée à clarifier le message transmis par les professeurs. C’est effectivement la seule solution dans le cadre du système traditionnel et, tant que l’on conserve ce dernier, il faut résolument la diffuser. Mais, cette animation suppose toujours, pour qu’elle fonctionne, le maintien d’un cadre réglementaire plutôt strict.

Certains, attachés aux valeurs démocratiques et choqués par l’existence de ce cadre qu’ils perçoivent in fine comme inefficace, introduisent dans leur modèle d’école des mécanismes qui seraient, en apparence, aptes à sauver à la fois ces valeurs et la forme de cours traditionnelle. Quasiment toujours, ils tombent dans les deux extrêmes qu’ils ont coutume de honnir : d’un côté une démocratie pour un laisser aller total au bout duquel l’élève devrait pouvoir réagir en se prenant en charge, de l’autre la démocratie pour une autocritique permanente corrigeant sans cesse les déviances. Ils ne se rendent pas compte qu’ils versent ainsi soit dans l’ultralibéralisme, soit dans le collectivisme, car cela revient à abandonner les élèves à l’ignorance – y compris celle des principes fondamentaux de la démocratie – et à aliéner l’esprit à de fausses connaissances.

Par contraste, rappelons que, dans notre projet, l’acquisition véritable de la connaissance passe par son appropriation et que celle-ci exige une attention portée par toute la communauté éducative à chacun. Or, cette attention suppose un dialogue soutenu et, par conséquent, des moments de travail en petits groupes. Ce n’est qu’à partir de là, une fois chaque personnalité confortée, qu’une véritable coopération et son extension au plus grand nombre est possible. Sinon, le cours retombe dans cette mauvaise dialectique : autoritarisme ou désordre qui, apparenté à une rébellion, suscite, c’est la tendance actuelle, un retour à l’ordre. Pour en sortir, l’unique solution réside dans l’établissement du dialogue coopératif, base de la coopération effective.

Tout ceci est une évidence pour quiconque s’est adonné un tant soit peu à la recherche ou aux arts : il y faut un travail individuel sincère, une maturation dans l’échange avec les maîtres puis avec ses semblables et une reconnaissance finale du groupe. Nous ne voyons pas de raison valable à ce que ce processus si simple soit interdit aux élèves.

2) Réponse à la question de l’improvisation et du calendrier

Certains pourraient enfin croire qu’une organisation à ce point précise ne laisse aucune place à l’improvisation. La réponse à donner rappelle ce qui précède : cette organisation offre simplement les bases ordinaires d’une appropriation effective du savoir. Sans cette base, rien ne nous semble possible et encore moins une improvisation réelle, car celle-ci suppose le respect de certains principes, sauf à considérer le choix par défaut de l’autoritarisme ou de l’ultralibéralisme comme improvisé.

Quant à cette appropriation, nous soulignons à nouveau qu’elle n’existe pas sans l’acquisition de l’autonomie pour laquelle est prévue une évaluation de la progression. A ce sujet, rappelons que l’emploi du temps se comprend dans le détail seulement si cette autonomie y est considérée comme moment d’apprentissage à part entière, intégré dans chacune des disciplines. Il est également attendu de cette autonomie une possibilité d’improvisation.

Dans le projet d’école, en l’occurrence, des orientations improvisées pourraient résulter d’une demande de tous les partenaires à trois reprises. Et ces trois fois ne sont aucunement envisageables de façon systématique, car ce serait alors la concertation obligatoire. Elle résultent d’une démarche authentiquement citoyenne où chacun saisit le présent pour se réunir et changer les choses, tel problème devant soulever telle réaction, celle-ci étant admise et prise en charge au moment choisi.

Il est même possible de prévoir que ce projet d’école fasse en lui-même l’objet d’une réflexion critique, à partir, par exemple, d’une improvisation d’auto-organisation. Mais nous ne pouvons en aucun cas laisser sombrer le groupe dans le chaos. Il y s’agit d’enfants ou d’adolescents et, comme il est possible de le constater, ces questions ne s’éclairent pas aisément.

D’autre part, le cadrage précis préalable a pour objectif initial de rassurer tout le monde et de permettre, peut-être, cette expérience-là, expérience possible seulement avec un groupe déjà fédéré.

En raison de nos convictions, l’argument du calendrier n’a guère de sens pour nous, à moins de considérer le délai impératif comme une sorte de punition à l’image des files d’attente. Quant à nous, nous sommes prêts et nous n’attendons plus qu’un petit effort des décideurs institutionnels pour nous engager. Il serait peut-être bon, quant à cette question, que chacun se souvienne des difficultés à inscrire dans la réalité sociale l’innovation véritable parce que celle-ci étonne et donc effraie. Il suffit de se rappeler le parcours infligé par l’histoire à Célestin Freinet.

Jean-Pierre Labrousse

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