Propositions pour une école expérimentale
Propositions de principes pédagogiques
Ces propositions sont notamment inspirées par les principes issus des écoles Freinet, par la pédagogie orientant l’enseignement des arts plastiques et les travaux pédagogiques encadrés (TPE) et par les conceptions émanant des recherches de Jean Piaget. Elles ne sont valables que dans de petites unités scolaires et dans le maintien de l’hétérogénéité sociale et culturelle. Elles supposent l’emploi du temps adapté du type présenté ci-après.
. L’élève doit être reconnu comme une personne
Pour y parvenir, l’élève procède à des recherches sur son projet d’étude personnel guidé par un professeur qui l’amène progressivement à étudier seul. C’est la quête de l’autonomie.
Le projet personnel est reconnu comme fondamental. Même s’il doit s’élaborer dans un dialogue avec l’enseignant au nom d’un certain réalisme, c’est seulement par cette voie que l’originalité et le vécu social et culturel propres peuvent s’exprimer.
Acteur de l’acquisition de son savoir, le sens critique de l’élève est développé dans les discussions avec les professeurs et avec ses camarades au sein des groupes d’étude, des différents ateliers et du forum.
L’école lui offre une prise de responsabilité en assurant la possibilité de participer au Conseil des élèves avec des prérogatives réelles, aux débats en assemblée générale, au choix et à la discussion collective de questions du savoir en groupe d’étude, à l’élaboration des thèmes d’atelier et à leur gestion sous forme coopérative, à la médiation entre ses camarades et les autres membres de la communauté scolaire. C’est ainsi qu’il acquiert, au sein de l’école, la pratique de la citoyenneté.
L’école respecte son rythme de travail en le laissant choisir, sur la base d’une consultation, son groupe de recherche individuel et son groupe d’étude en fonction de sa propre perception de son niveau de connaissance et de ses affinités.
L’école respecte sa liberté en le laissant choisir son groupe de recherche individuel, en lui donnant un statut d’acteur dans le Conseil des élèves qui participe au Grand Conseil d’établissement, en l’appelant à exprimer dans toutes les instances et tous les groupes sur les raisons de son éventuelle indifférence au savoir. Cette indifférence est analysée par l’école afin d’améliorer son projet pédagogique. Toute manifestation de cette indifférence doit faire l’objet d’une médiation dont l’élève reste un des acteurs.
. L’école assure un développement personnel complet
Elle ouvre sur la société en étendant la gestion coopérative aux activités éducatives locales, en assurant la formation permanente, en organisant le tutorat des élèves et la diffusion des réalisations scolaires, en s’informant sur les autres réalisations éducatives et en invitant des intervenants extérieurs. Elle favorise ainsi l’accès à la citoyenneté dans la société.
Elle forme à l’intelligence globale et polytechnique en accueillant les projets personnels et les thèmes d’atelier pluridisciplinaires et en facilitant la libre consultation de tous les professeurs à intervalles réguliers. Elle développe à part entière les pratiques artistiques.
Elle privilégie la méthode expérimentale et met donc en place les instruments adéquats.
Elle valorise tous les langages en favorisant la représentation esthétique de toutes les connaissances par tous les supports (écrit, oral, arts, jeux). A ce titre, elle développe les capacités de communication et favorise une auto-évaluation spontanée.
Elle construit des systèmes de savoir pour faciliter le repérage et l’appropriation.
Elle initie à l’échange social des connaissances par le moyen de cette représentation et dans tous les degrés de communication, de l’entretien individuel jusqu’à l’expression publique. Dans ce cadre, l’évaluation devient formative et socialisée tout en pouvant rester confidentielle ce, en fonction de la volonté de l’élève.
Propositions d’emploi du temps
Cet emploi du temps tient compte des contraintes matérielles actuelles de l’Education nationale c’est-à-dire, dans ce modèle, et en simplifiant, du rapport de un enseignant pour onze élèves, chacun des enseignants assurant dix-huit heures de présence dans l’établissement, toutes les disciplines habituelles étant représentées. Pour les élèves, la semaine de travail est de vingt-trois heures. Toute l’équipe enseignante est présente le matin, partiellement présente l’après-midi. C’est le cas le plus complexe qui est présenté ici où nous avons treize disciplines et cent quarante élèves.
Les différentes séances
Première séquence de huit jours, soit huit matinées et six après-midis (pas d’activités le mercredi après-midi, pas de cours le samedi)
. matinée inaugurale: assemblée générale des élèves avec toute l’équipe éducative. Présentations et explication du fonctionnement de l’école. Constitution de groupes de recherche individuelle par trois ou quatre selon le niveau pressenti ou indiqué sur le livret scolaire et selon les affinités. Constitution de groupes d’étude à raison de trois groupes de recherche individuelle selon les mêmes critères. Possibilités : changer de groupe selon les disciplines ou la progression. Nécessité : que chaque élève ouvre un livre de compte rendu où devront figurer les notes de recherche et, corrélativement, la rédaction des résultats au propre.
Fonctionnement des assemblées générales: durée habituelle de quarante-cinq minutes prises sur les intercours, le matin. Convocation de l’assemblée générale à la demande du Conseil des élèves, composante du Grand Conseil de l’école qui se réunit tous les quinze jours. Election du Conseil des élèves par l’assemblée générale. Les débats à l’assemblée générale (modèle parlementaire) : questions rédigées et discutées par les groupes de recherche individuelle (donc à trois ou quatre), remontées des questions auprès du Conseil des élèves qui préside l’assemblée, exposé des questions par le Conseil des élèves, création de commissions selon les questions, exposé des propositions des commissions, discussion et vote de l’assemblée générale sur les propositions.
. première matinée : passage dans trois disciplines à 9h (début), 10h et 11h.
A 9h : séance d’entretien individuel. Le professeur A prend en charge trois groupes, soit un ensemble de neuf à douze élèves. Les élèves procèdent à la recherche autonome d’un thème de travail dans la discipline A. Le thème peut être interdisciplinaire. Le professeur aide leur recherche et s’accorde avec eux pour un ordre de passage en entretien individuel toutes les huit matinées à la même heure. Durée de l’entretien : un quart d’heure. Nombre de passage possible d’élèves en une heure : trois. Si se tient une assemblée générale, séance réduite à trois-quart d’heure et entretien réduit à dix minutes.
A 10h : séance de groupe d’étude. Le professeur B prend en charge les trois groupes précédents. Les élèves sont censés avoir déjà trouvé des éléments de recherche pour fonctionner effectivement en groupe d’étude. Sinon, il procède comme dans la séance précédente mais, cette fois, dans la discipline B. S’ils ont des éléments de recherche : exposé de ces éléments dans les premières vingt minutes et proposition d’une problématique, étude séparée dans les deuxièmes vingt minutes. C’est à ce moment où les élèves étudient séparément que des élèves d’autres groupes peuvent consulter le professeur B. Exposé du résultat de l’étude et proposition de jeux illustratifs dans les dernières vingt minutes.
A 11h : séance d’entretien individuel , comme à 9h, cette fois avec le professeur C.
. premier après-midi : toutes les après-midis sont consacrées aux ateliers. Dans une séquence de huit jours se tiennent six ateliers puisque chaque séquence contient six après-midis. Les ateliers doivent intégrer toutes les disciplines. Au moins deux professeurs animent les ateliers. Ils durent deux heures, de 13h 30 à 15h 30 par exemple, mais peuvent se prolonger au-delà selon la motivation des élèves et des enseignants (auquel cas les dix-huit heures pour les enseignants et les vingt-trois heures pour les élèves sont dépassées). Mais les contraintes de l’emploi du temps obligent deux fois par semaine l’élève à suivre, par exemple de 13h à 14h, soit une séance de recherche individuelle, soir une séance de groupe d’étude. Détermination des ateliers : en assemblée générale selon les mêmes modalités de vote et sous les conseils de l’équipe enseignante. Les enseignants présentent la vocation des ateliers : approfondissement individuel, approfondissement collectif dans l’interdisciplinarité, diffusion, conférences, représentation. Ils exposent aussi le cadre budgétaire. Constitution des coopératives de gestion des ateliers dotées d’un budget. Principes pédagogiques : que toutes les disciplines aient été reprises d’une façon ou d’une autre dans l’intervalle des huit jours et, si possible, que tous les éléments de recherche trouvés par les élèves et tous les jeux s’y trouvent réinvestis.
. deuxième matinée : passage dans trois disciplines, D, E, F, comme lors de la première matinée. Etc.
Deuxième séquence de huit jours
Au bout de la première séquence, tous les élèves ont rencontré tous leurs professeurs. Les élèves choisissent alors un professeur conseil à raison de onze élèves par professeur. Ce professeur sera, pour ces onze élèves, l’intermédiaire privilégié entre chacun d’eux et les parents ou tout autre membre de la communauté scolaire. Il sera aussi davantage à l’écoute de leurs difficultés.
En dehors de cette particularité, les séances se déroulent selon les mêmes modalités. A chaque séance, le livre de compte rendu est vérifié.
Variantes possibles
Diminuer le nombre d’élèves en recherche individuelle et en entretien mais alors il faut augmenter le nombre d’élèves dans les groupes d’étude et répartir ce surnombre entre ces groupes. Si c’est le cas, veiller à ce que cette répartition fasse que tous les élèves suivent les disciplines à une même fréquence.
Augmenter la durée des séances du matin, pour, par exemple, n’aborder que deux matières au lieu de trois. Mais alors la durée de la séquence augmente en nombre de jours et les disciplines se retrouvent à des intervalles plus importants.
Au fur et à mesure du progrès de l’autonomie, laisser progressivement les élèves travailler seul dans les séances de recherche individuelle. Ceci libère des heures pour les enseignants, heures qu’ils peuvent consacrer, par exemple, aux ateliers. Dans ce cas, le livre de compte rendu doit prêter une attention plus soutenue.
Questions d’absence et d’ambiance
Il est attendu de ce dispositif une dynamique de groupe en faveur de la valorisation du projet personnel de l’élève et du développement corrélatif de sa personnalité. L’absence et l’indifférence doivent être perçus comme la conséquence d’un défaut de cette dynamique et d’un défaut d’écoute. Les camarades dans les groupes de recherche personnels et le professeur conseil doivent servir de médiateur entre l’absent ou l’indifférent, ses parents et l’école. Un principe de lecture de cette dynamique est à retenir : plus l’acquisition du savoir est joyeuse et aisée, plus la personne est valorisée et gagne en liberté et plus l’élève peut consentir à l’effort. D’autre part, l’enseignant doit savoir aussi insister sans contrarier.
Les liens possibles entre l’école et le système éducatif
La vie de l’école expérimentale est fondée sur l’existence du Conseil des enseignants. Ce Conseil dispose du pouvoir d’analyse de la pratique éducative. Il est habilité à perfectionner cette pratique. Sur cette voie, aucune autorité ne limite sa fonction et celui de son président élu appelé Directeur pédagogique. Ce directeur est responsable auprès de la société de la bonne application du projet éducatif, projet élaboré en commun par l’équipe éducative.
Mais la société exerce un contrôle sur ce Conseil, car celui-ci est redevable, auprès d’elle, de ses résultats en matière d’éducation. Aussi, ce Conseil s’oblige à respecter un contrat éducatif convenu avec l’institution scolaire nationale. Simultanément, ce Conseil ne saurait décider séparément de son projet sans tenir compte de l’ensemble du système éducatif. Pour cette raison, le Conseil délègue des enseignants auprès des organes consultatifs officiels nationaux et auprès des instances du réseau des écoles expérimentales afin d’établir un projet global s’imposant comme cadre de référence. En l’occurrence, l’institution scolaire nationale est l’école publique et laïque et le réseau serait, par exemple, celui des écoles Freinet.
L’adoption du cadre de référence suppose l’aval de l’institution scolaire nationale, par l’accord de ses représentants officiels, et du réseau, parl’accord de l’ensemble des délégués de toutes les écoles expérimentales. En cas de désaccord, le réseau suit l’avis de l’institution. Ce cadre impose des programmes et des examens nationaux, une carte scolaire, des modalités de recrutement des personnels et le respect d’une éthique de l’éducation.
Si elle se tient dans ce cadre de référence, la pédagogie adoptée ou modifiée par l’école ne relève que du Conseil des enseignants et de son Directeur pédagogique. Mais l’institution nationale et l’ensemble des délégués du réseau l’évaluent dans sa capacité à respecter ce cadre. Pour effectuer l’évaluation, la société exerce son contrôle par l’intermédiaire du Grand Conseil de l’établissement où délégués des parents et des élèves disposent d’un pouvoir de critique et peuvent recourir à des instances d’arbitrage. Ces instances sont les délégués désignés par le réseau des écoles expérimentales, les inspecteurs de l’institution scolaire nationale reconnus par ces délégués et, évidemment comme pour tout citoyen, les tribunaux ordinaires. Les délégués du réseau et les inspecteurs procèdent également à une évaluation directe du Conseil des enseignants sur la base de tests d’entrée et de sortie des élèves et de leurs résultats aux examens.
Le constat d’une faute au regard du cadre de référence oblige le Conseil des enseignants à adopter des mesures rectificatives ou à accepter à son encontre des mesures disciplinaires.
La recherche pédagogique est assurée par les séminaires organisés par le réseau et par le recours aux universitaires dont les travaux sont reconnus par le réseau.
Les délégués aux organes consultatifs de l’institution nationale et au réseau sont élus sur la base de leurs propres travaux pédagogiques.
La fondation de l’école est à l’initiative d’une association locale qui désigne un Conseil éducatif pour la créer. Ce sont les délégués du réseau et l’institution nationale qui donnent leur aval. Ce Conseil éducatif comprend les futurs membres du Conseil des enseignants et toutes les personnes intéressées par les questions pédagogiques. Pour cette création, l’accord de tous les partenaires du système éducatif, qu’ils soient dans le secteur traditionnel ou expérimental, est souhaitable.
L’école expérimentale recrute son personnel dans la liste nationale admise par l’institution nationale et avec l’accord des délégués du réseau. Ces membres du personnel doivent bénéficier d’un droit au regroupement pour animer l’école, ce qui suppose la création par l’institution de postes à profil ou de détachements spécifiques. Ils devront également pouvoir revenir dans l’école traditionnelle en cas de désaccord avec les principes du projet éducatif de l’école expérimentale où ils on été affectés.
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